Le café, ce liquide chaud et amer à l'odeur âpre qui vous bouffe tout de suite les narines. Quel plaisir pouvait-il y avoir à se taper cette odeur dès le matin, franchement ?! Et puis, au vu de la couleur, ça donnait pas non plus très envie d'être bu... à croire, que rien que par son aspect, le café invitait celui qui se retrouvait face à lui à tout faire pour ne pas l'avaler, ou quelque chose dans le genre. Alors, pour remédier à ces inconvénients du café, certaines personnes qui en prenaient quand même - histoire de faire un tant soit peu classe ou encore pour bien se réveiller - mettaient des tonnes et des tonnes de sucre dedans, juste assez pour que ça devienne plus du sucre au café que du café avec du sucre. C'était un peu pathétique comme façon de fonctionner... si vous trouvez le café dégueu, eh bah assumez-le et continuez de boire du thé au lieu d'aller vous chopper un diabète en prenant quatre-vingts grammes de sucre tous les matins... C'était disons les pensées que Noah Sam Williams avait toujours eues sur le café, cette boisson qu'il trouvait amère à souhait et des moins ragoûtantes point de vue tête. C'était sans doute parce que tous les matins de sa jeunesse, lorsque sa mère le réveillait, elle sentait déjà le café à des kilomètres à la ronde, horrible odeur qui pique le nez dès le réveil, pas grand chose de bien plaisant. Aussi loin qu'il ait pu se souvenir de ses années de vie, le jeune homme qu'il était aujourd'hui était prêt à parier la plus grosse somme d'argent qu'il avait sur le fait de ne jamais avoir avalé plus d'une gorgée de café par an... ou un chiffre dans ces eaux-là, peu importe peut-on dire.

Cette soirée-là, un beau jour d'une période inter-saison, un jour imprévisible où on pouvait voir certains nuages annoncer de la pluie, puis tout d'un coup, un radieux soleil caniculaire. Au levé, la température n'avait pas été des plus fraîches, assez douce et agréable à vrai dire, mais forcément, comme si c'était maladif chez lui, Noah avait trouvé forcément quelque chose à redire sur ce jour, comme s'il fallait toujours que quelque chose aille mal. Oui, ça pouvait passer pour un caractère de dépressif, ou pour quelqu'un d'horriblement difficile à vivre, ce qui était sans doute le cas - aujourd'hui au moins - , mais en même temps, il ne vous a jamais demandé de vivre avec lui, alors contentez-vous de râler sans essayer de vous projeter, ça ne vous ferait que détester encore plus sa mauvaise humeur environnante, presque assez même pour foutre en boule toutes les personnes autour de lui, à quelques kilomètres à la ronde. Assis à cette même table depuis des minutes qui semblaient défiler trop lentement à son goût, il passait le temps comme il le pouvait, tapotant le sol de son pied dans un rythme régulier qui pouvait presque traduire celui de "Black Dog" de Led Zeppelin, ou quelque chose s'y apparentant plus ou moins, la perception du rythme, c'est un truc assez relatif disons et avait toujours été, bizarrement, très mauvaise chez Noah... il était acteur, pas chanteur hein ! Outre ce petit jeu du pied, il avait aussi entre ses doigts un jeton trouvé dans une de ses poches il y a quelques heures de cela, récolté lors d'il ne savait quelle soirée, il ne savait pas où... mais là n'était pas vraiment la question. Le regard perdu dans ce qui semblait être un vague rempli de réflexions et de questionnements bien à lui, Noah s'occupait aussi, donc, à balader ce jeton entre ses doigts comme si, pour qu'il trouve un minimum de distraction, il fallait qu'une partie de son corps soit en mouvement.

Qu'est ce qu'il pouvait bien faire là ? C'était sans aucun doute une excellente question, que vous n'êtes peut-être pas le ou la seul(e) à vous poser, je vous le dis bien clairement. Sans doute que la jolie blonde à quelques tables de là assise seule se le demandait aussi, alors que le regard du jeune homme se posait de temps à autre, bien explicite, sur elle. Elle devait certainement le fixer sans croire qui elle avait à quelques pas d'elle... comme la plupart des gens qui l'avaient croisé aujourd'hui et qui avaient dit, pour la plupart, un truc du genre... "ohmondieu vous êtes Noah Williams ?" - la plupart ne connaissant même pas son deuxième prénom, what the hell ! - Pourtant, dommage, la jolie damoiselle n'avait pas encore trouvé le courage de venir... tant pis, il en trouverait une autre, là n'était pas le problème, il ne fallait pas se voiler la face, il en trouverait bien une autre. Peut-être la serveuse, celle qui avait servi son café à Noah - dans un délicat sourire - il y a plus de quinze minutes et qui le fixait par intermittences, murmurant quelques paroles parfois à ses copines ou des petits sourires discrets qu'il ne manquait surtout pas de lui rendre. S'il était venu là ce soir, c'était bien parce qu'il n'avait trouvé rien de mieux que le café pour le sortir du semi-sommeil dans lequel il se trouvait encore trop. Il fallait dire... quelle soirée, hier ! Il ne saurait dire lui-même combien de whisky il s'était enchaînés avant de finalement faire fléchir cette fois-ci une jolie brune à la descente presque aussi résistante que la sienne et à la chute de reins encore plus savoureuse. Que de belles pensées en cette soirée direz-vous, mais il faut bien se divertir, et les divertissements des hommes sont souvent primaires... eh oui, même ceux de Noah, il n'a vraiment rien d'exceptionnel... sauf peut-être son sourire.

Prenant une longue inspiration pour humer l'air rempli de caféine tout autour de lui, il réprima une grimace, il détestait vraiment cette odeur et chaque bouffée qu'il prenait lui donnait juste encore plus envie de repartir... mais bizarrement, c'était comme s'il attendait quelque chose, ou comme s'il voulait rester, sans trop savoir expliquer pourquoi, qui sait, une étrange intuition peut-être... sans doute la mauvaise, vu la chance qu'il pouvait avoir certains jours... Se décidant finalement à relever le regard une bonne fois pour toute tout en fourrant le jeton dans sa poche, il finit par reposer son regard sur la blonde, toujours aussi explicite alors qu'elle faisait très mal semblant d'être semi-plongée dans une lecture qui n'avait pas l'air de l'intéresser tant que ça. Et puis, finalement... elle n'avait qu'à faire ce qu'elle voulait. Détachant son regard de la blonde qui avait bien l'air fade face à toutes les filles qui traversaient l'esprit de Noah plus ou moins malgré lui, il haussa un sourcil alors que ses yeux tombaient sur la pendule accrochée au mur à quelques mètres de là, presque face à lui pour lui rappeler qu'il était juste comme il faut : en retard. Encore tant pis, qu'est ce que ça pouvait faire, franchement ? Hm... il aurait bien fumé une clope à ce moment précis, mais apparemment, il n'y avait pas plus "non fumeur" que cet endroit, pas même de cendrier sur les tables, c'est dire ! Et puis merde, il était vraiment pourri cet endroit... il posa son regard sur la tasse à café bien trop grande face à lui, l'attrapant entre ses doigts pour en examiner le contenu, plus ça allait, moins il ne comprenait pourquoi il était là... vive la plaie ! Et pourtant... une voix interrompit son cercle de pensées, le sortant du liquide noir qui lui chauffait le bout des doigts... et une voix, qui, curieusement, lui arracha un frisson, à la fois empli de quelques souvenirs, mais surtout d'une légère grimace de "oh merde..." du genre, "j'aurais jamais du venir ici".

Pas moyen de fuir, même s'il avait très bien reconnu la voix qui avait brisé son pseudo silence de type qui boit son café du soir tout seul... et pas moyen non plus de l'ignorer comme un gamin qui a rien de mieux à faire que de feindre la surdité. Il leva alors donc, le regard vers la jeune femme... oh tiens, même après tout ce temps elle n'avait pas changé, quelle surprise. Soulignant avec une bien facile provocation la pensée qui lui traversait l'esprit, Noah soutint le regard de la jeune femme d'un air mi blasé, mi ignorant, comme si elle était la énième personne à chercher à s'asseoir avec lui à une table, rien que pour faire l'étalage d'un des nombreux magasines sur lesquels il apparaissait souvent. Il ne prit pas la peine de répondre tout de suite à sa question, prenant le temps de la dévisager comme pour bien souligner le fait que même si elle venait de manière "pacifiste", sa présence n'était pas appréciée, et encore moins voulue. Oh nan pas qu'il soit surpris de la voir, il avait ses sources et il savait très bien que mademoiselle avait décidé de reposer bagages à Los Angeles... et évidemment, il avait fallu qu'elle se pointe au même endroit que lui, à la même heure que lui... damned, pour une fois qu'il venait "exceptionnellement" boire un café... il ne viendra plus jamais dans cet endroit pourri, c'était ce qu'il se promettait à cet instant précis. Après avoir dévisagé la jeune femme suffisamment longtemps à son goût, Noah détourna le regard, le posant sur les alentours, alors que la blondinette à la lecture inintéressante prenait le large... tant pis, ce serait la serveuse au sympathique sourire alors... ou pas, curieusement, il ne se sentait plus d'humeur maintenant... peut-être parce que, sans le vouloir, il se retrouvait à la seconde même... face à un passé qu'il détestait, voire même plus que sa propre enfance, c'est dire... si seulement elle avait pu rester en Europe, ça l'aurait pas mal aidé.

« Yep... la place... »
Il désigna la place en face de lui, « la table et même le café... » finit-il par dire tout en poussant le café le long de la table pour le poser devant la place qui lui faisait face... déjà qu'il n'avait pas eu envie de le finir, mais là, il n'avait surtout pas envie de s'attarder.

Se relevant dans un mouvement rapide, il resta un moment face à Shanae, la fixant droit dans les yeux, mais encore une fois en feignant bien de ne ressentir qu'une furieuse envie de la voir disparaître plus qu'autre chose. Détournant finalement le regard, il s'éloigna de la table, la laissant seule avec elle-même, un peu comme elle, elle l'avait fait avec lui, quand elle avait pris ses clics et ses clacs direction l'Europe... s'arrêtant au comptoir où il y avait quelques personnes qui étaient affalées pour boire leur café, Noah vint vers la serveuse de tout à l'heure, lui adressant un sourire forcé maintenant et s'apprêtant à payer sa non consommation... il avait besoin de prendre l'air là... mais c'était sans doute encore trop rêver que de penser pouvoir sortir de ce foutu starbuck sans avoir mademoiselle "je veux m'asseoir à côté de toi" aux pattes.